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A24, la saga du nouveau «nouvel Hollywood»

👉 La recette du studio qui collectionne les Oscars

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🔎 Aujourd’hui pour ce tout premier numéro, on s’intéresse au studio américain qui collectionne les Oscars : A24.

🧨 Au programme : 1 310 mots pour 6 minutes de lecture.

Enjoy !

👀 A24, la saga du nouveau «nouvel Hollywood»

And the winner is…

A24. Vous connaissez probablement ce studio américain, sans même le savoir. Car derrière cette lettre et ces deux chiffres se cachent les grands gagnants des derniers OscarsEverything Everywhere All at Once et The Whale — et certains des films dits indépendants les plus marquants de cette dernière décennie. Sans oublier les séries parmi les plus ambitieuses de ces dernières années (👋 Euphoria).

A24, c’est un label, un logo qu’on se fait tatouer, une marque de fabrique incontournable du cinéma aujourd’hui. Signe ultime de sa hype : en dehors de ses productions, A24 ne donne aucune info sur elle et ses dirigeants ne s’expriment pas dans les médias.

Et pourtant, le studio n’a jamais autant fait parler de lui. Et il n’a jamais eu autant de fans pour parler pour lui.

Voici l’histoire d’une saga née d’une envie et qui n’a jamais laissé la moindre place au hasard.

1/5 - La légende

Viaduc de l'autoroute A24 aka la route de l’inspi

Quand 3 mousquetaires ont l’idée du siècle sur une autoroute italienne

Il y a trois personnes à l’origine de ce studio, trois New-Yorkais naviguant déjà dans le milieu du cinéma : John Hodges, qui s'est retiré depuis, David Fenkel et Daniel Katz. La légende veut que ce soit lui qui, au volant de sa voiture sur une autoroute italienne (la A24) en 2012, ait eu «The Idea» : lancer le projet de sa vie avec une nouvelle offre de films.

Fan du cinéma indépendant des années 90, le trio de fondateurs trouvent qu’il y a alors un vide commercial et artistique pour ce genre de films. La crise de 2008 et la récession mondiale sont passées par là : certaines sociétés indépendantes ont disparu, celles qui restent ne veulent plus prendre de risques et le dernier mot n’est plus donné aux cinéastes mais aux comptables. La place est libre pour renverser la table.

2/5 - Le pitch

Le pari avant-gardiste d’un studio débutant

A24 commence par distribuer des films aux États-Unis et à l’étranger. À l’époque, le cinéma indé est toujours représenté médiatiquement par Miramax et les frères Weinstein, mais ces derniers sont devenus une énorme machine et ils s’intéressent peu aux projets plus avant-gardistes.

C’est la brèche dans laquelle va se nicher A24, d’abord en privilégiant des films pour ados et jeunes adultes.

Dans le Guardian, Guy Lodge résume la philosophie des débuts ainsi :

On attire les jeunes spectateurs avec des idoles adolescentes telles que Selena Gomez et Vanessa Hudgens, mais on leur sert du sexe, de la violence et une narration cryptique ». L’idée est de convertir de nouveaux fans : « peut-être qu'un spectateur sur dix aimera, mais celui-ci deviendra un disciple fidèle

Guy Lodge

L’engagement et la fidélité, ce sont les clés pour la suite.

3/5 - La méthode

Trouver la pépite pour la première production maison

Dans les années suivantes, A24 continue de distribuer des films remarqués et primés : Under the Skin, A Most Violent Year, Room… Mais il faut passer à l’étape d’après : produire son propre film, éprouver le concept et la méthode.

Pour cela, il faut trouver un jeune talent avec un projet ambitieux, mais pas un gros budget. Ce sera Moonlight, et ce sera un coup de maître puisque leur première production obtiendra l’Oscar du meilleur film.

Barry Jenkins, le réalisateur de Moonlight, avait éclusé toutes les boîtes de production sans succès quand il a rencontré les dirigeants d’A24 :

« A24 a été le seul endroit où on m’a dit de faire le film à ma façon mais de faire le meilleur travail possible ».

C’est ça la méthode A24 : laisser les clés des films à celles et ceux qui savent les faire, leur donner le final cut. C’est rarissime à Hollywood et cela donne le ton de toutes les futures collaborations du studio.

Leur particularité aussi, c’est de miser sur le long terme sur des auteurs, des autrices, de ne pas les jeter au premier échec et de continuer de les porter pour la suite.

Exemple avec le duo Daniel Kwan et Daniel Scheinert, réalisateurs du multi-oscarisé Everything Everywhere All at Once, mais à l’origine de Swiss Army Man, leur précédent film et four mémorable.

4/5 - La secret sauce

L’art de la com’ avec les objets de l’époque

Dans le podcast The Age of Ideas, Alan Philips raconte :

En 2015, pour le film Ex Machina, A24 a utilisé l'application de rencontre Tinder durant le festival South By Southwest. Lorsque les utilisateurs cliquaient sur une femme nommée Ava, celle-ci les invitait à consulter son Instagram où on trouvait une bande-annonce d'Ex Machina. Il s'agissait non seulement d'une tactique de marketing incroyablement créative et engageante pour cibler les festivaliers socialement actifs, mais aussi d'une tactique qui renforçait le propos du film sur l'intelligence artificielle. Tous les éléments d’un buzz

Alan Philips

Et le film a été un succès au box-office.

Pour la promotion de Everything Everywhere All at Once, Daniel Kwan et Daniel Scheinert ont été omniprésents sur les réseaux sociaux. Le bouche à oreille a fait plus et mieux que n’importe quelle campagne de RP.

Plus largement, il s’agit de créer une communauté. Aller voir une production A24 c’est faire partie d’un clan. Les fidèles ne ratent pas une sortie et se précipitent pour acheter les déclinaisons et produits dérivés vendus en ligne : vinyles des BO, peluches, gants hot-dogs (pour comprendre, il faut avoir vu Everything Everywhere All at Once)…

Est-ce bien compatible avec le cinéma indé ? Barry Jenkins, réalisateur de Moonlight répond ainsi :

Est-ce que c'est bien de vendre des animaux en peluche associés à une œuvre d'art ? Peut-être que ce n'est pas de l'auteurisme, ce n'est pas du cinéma, et il y a quelque chose de grossier là-dedans. Mais je pense que pour que la société reste solide, il faut ouvrir l'art à ces opportunités commerciales.

Barry Jenkins

5/5 - La promesse 

Pas de ton mais le pari de l’expérience

On dit qu’il y a un ton qu’on peut retrouver dans tous les films qu’A24 produit. Ce n’est pas tout à fait exact. Il n’y a pas de «ton» dans le sens où, comme les majors, A24 appliquerait à tous ses films les mêmes recettes artistiques.

En revanche, il y a une attente de vivre une expérience unique et de découvrir de nouvelles tendances. C’est ce qui crée le contrat de confiance avec la communauté. Et c’est le bien le plus précieux d’A24.

Désormais, il s’agit de ne pas rompre ce contrat, un exercice toujours compliqué quand on grossit à vue d’œil. A24 s’est lancé dans les documentaires, les séries (Euphoria pour n’en citer qu’une), ils ont un contrat de production avec Apple, le budget moyen des productions a considérablement augmenté, toutes leurs sorties sont désormais attendues au tournant (Beau is afraid n’a pas rencontré le même succès critique et commercial), ils étaient en compétition au festival de Cannes cette année…

Bref, ils sont nombreux à guetter le faux-pas. C’est le moment où on teste vraiment son modèle.

Note de fin : quand j’ai écrit ce post, j’ai quand même pensé à eux. Pas vous ? 

Here comes the men in black

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