• Hupster
  • Posts
  • Comment créer un hit en 2023

Comment créer un hit en 2023

👉 et à la fin, c'est (encore) TikTok qui gagne

🔎 Hello, on vous emmène cette semaine dans la fabrication de l’outil indispensable de nos vacances : le tube de l’été.

👉 Où l’on apprend que TikTok a déjà pris l’avantage sur les maisons de disque.

🧨 Au programme : 1 519 mots pour 11 minutes de lecture.

Enjoy ! David.

👀 Comment créer un hit en 2023

Les deux chanteurs inconnus à l’origine des deux plus gros tubes de l’été 2023. D’un côté Oliver Anthony et son « Rich Men North of Richmond » et de l’autre Kyle Gordon et son « Planet of the Bass ».

Les deux gros tubes de l’été sont littéralement sortis de nulle part.

Long story short : le numérique est une matière en mouvement permanent. L’industrie musicale, qui a été la première à connaître les bouleversements de l’Internet et pensait avoir remis son business dans le sens de la marche (pour elle, pas forcément pour les artistes) vient de prendre une piqûre de rappel.

👉 Voyons donc en 4 leçons ce que la bande-son de l’été nous apprend sur les artistes, les labels, The Industry, et nous-mêmes.

Étape 1 : perdre le contrôle

Kate Bush prise en photo en 1985 quand elle apprend qu’une de ses chansons sera le tube de l’été 2022 grâce à une série diffusée en streaming sur Internet 😆 // Crédits : GettyImages

Le tube de l’été 2022 était déjà un peu inattendu : le « Running Up That Hill » eighties de Kate Bush avait ressurgi grâce à la série Stranger Things.

Ce n’était pas prévu, mais l’industrie musicale était quand même en terrain connu : une artiste dont elle détient les droits et sur laquelle elle touche de l’argent à chaque vente ou écoute.

2023, c’est bien pire. Les deux tubes de l’été lui échappent complètement.

👉 Le premier est une parodie d’un morceau d’eurodance des années 90, « Planet of the Bass ».

C’est un humoriste américain, DJ Crazy Times alias Kyle Gordon, qui l’a sorti juste pour se marrer sans se douter qu’il deviendrait aussi viral. Lui avait simplement voulu rendre hommage à ce style musical jusque dans le clip, tourné à l’arrache avec un iPhone.

Résultat : un trailer qui dépasse les 100 millions de vues sur TikTok et Twitter, un clip déjà deux fois millionnaires sur YouTube.

👉 Le second, « Rich Men North of Richmond », a surgi mi-août.

Possédant tous les attributs country (du look jusqu’au banjo), Oliver Anthony livre un plaidoyer politiquement très marqué où il fait l’éloge des petites gens écrasés par les impôts face aux politiciens de Washington — « les riches du Nord de Richmond (en Virginie) » — qui veulent leur imposer ce qu’il faut penser.

Résultat : le titre est en tête « Hot 100 » du magazine Billboard, le classement qui recense ventes et diffusions en streaming et à la radio.

Étape 2 : deux succès, une logique

Le compteur fou d’Oliver Anthony sur YouTube : 48 millions de vues (le 30 août à 16h30) en 3 semaines // Source : YouTube

Un seul mot pour expliquer ces succès : leur potentiel viral.

👉 « Planet of the Bass » est vraiment une madeleine de Proust de ces morceaux faciles des années 90 qui ont hanté les dancefloors. Et d’autant plus qu’il n’est pas sans rappeler « Barbie Girl ». Le bon timing quoi. Il a aussi ce qu’il faut de décalé pour ne pas se prendre au sérieux.

Tout le monde l’a fait circuler parce que le morceau est drôle mais aussi réussi et dansant (selon les critères de l’eurodance). Mélange gagnant entre premier et second degrés.

👉 « Rich Men North of Richmond » n’a que le premier degré mais ça lui suffit, car il a été porté par tous les Américains qui se reconnaissent dans ses paroles, et beaucoup de leaders conservateurs ont relayé le clip d’Oliver Anthony tourné à l’arrache par la radio locale qui l’a découvert.

D’après Billboard cité par Le Monde, « c’est la première fois qu’un auteur-compositeur encore totalement anonyme quelques jours auparavant réalise un tel exploit ».

Étape 3 : plus d’écoutes, moins de recettes

Taylor Swift dans son jard… stade le 9 août 2023 à Los Angeles // Crédits : GettyImages

Dans les deux cas, l’industrie musicale n’a rien vu venir.

Et une partie des profits générés lui échappent car beaucoup de choses sont produites par les artistes eux-mêmes. Mais il y a plus inquiétant : cet épisode estival vient bouleverser les directeurs de labels. Sont-ils encore capables de construire des hits et découvrir des talents ?

Bien sûr, on a retrouvé les Dua Lipa, Taylor Swift et autres Miley Cyrus en tête des charts à un moment ou à un autre de l’été. Mais que se passe-t-il si l’industrie musicale ne sait plus lancer les stars ? C’est le cœur de son business model qui s’écroule.

Vous me direz, bon, c’est pas nouveau : il y a toujours eu et il y aura toujours des ovnis que les maisons de disques finiront par récupérer.

Certes, mais la croissance des flux et la volatilité de ceux qui les émettent changent totalement la donne.

Où sont les responsables et les coupables ?

👉 Les patrons des labels dénoncent le déclin des médias de masse comme la radio et la saturation des contenus sans la possibilité de faire le tri.

👉 Ils reconnaissent aussi - quand même - que les maisons de disque ont signé des artistes un peu à tort et à travers ces derniers temps. Et même si certains atteignent les centaines de millions d’écoutes sur un single, ce n’est pas pour cela qu’ils seront capables de remplir les salles lors des tournées, très lucratives jusqu’ici.

👉 Car si beaucoup de choses ont changé, il ne faut pas oublier de se poser la bonne question, et toujours la même : c’est qui le patron ?

👉 Si la viralité ne se décrète plus et que les bonnes vieilles recettes marketing (alias le matraquage d’antennes) ne fonctionnent plus aussi bien, c’est qu’il y a un loup.

👉 Et pour l’industrie musicale, le loup coupable et tout désigné s’appelle TikTok. Et il est totalement imprévisible.

Étape 4 : des fans, du pouvoir

Révélée sur TikTok, Olivia Rodrigo fait aujourd’hui partie des chanteuses les plus « successful » de la pop mondiale. Ici, sur les marches du MET Gala 2023 // Crédits : GettyImages

On sait aujourd’hui que ce qui marche sur TikTok finit au Top 50 de Spotify.

Les labels et les artistes passent donc beaucoup de temps de promotion à fournir du contenu spécifiquement pour TikTok, qui dispose même d’un service musical interne chargé de surveiller les tendances. L’application provoque des changements de rythme dans la composition même des morceaux. Aujourd’hui, un tube a plus de succès en mode « Sped up » (accéléré) sur TikTok qu’en vitesse normale.

Les influenceurs et les gamers ont désormais autant voire plus de poids que les artistes. Mais c’est bien l’internaute/consommateur qui va décider in fine ce qui va être un tube ou non. Et, il a les moyens de ne plus subir.

Une enquête de Billboard raconte comment les fans se chargent désormais mieux que les labels de soutenir leurs stars.

Les médias sociaux facilitent leur mobilisation bien sûr. Mais certains fans sont prêts à tout : acheter toutes les versions possibles d’un même single (coucou les Swifties), monter des collectifs capables de collecter de l’argent en ligne pour acheter et faire acheter des albums et des singles. Tout ça pour pousser leurs stars en haut des charts. Ce sont les mêmes qui font surgir de parfaits inconnus dans le paysage musical.

On a vu cet été que ce phénomène est incontrôlable. Et il n’y a aucune raison que cela ne se reproduise pas.

Casser le thermomètre

Kyle Gordon sur scène lors du concert des Jonas Brothers le 16 août 2023 à Boston // Crédits : @JonasBrosBros sur X

Ce qu’il va se passer à très court terme, on le devine déjà. À défaut d’être capable de remettre la main sur le jeu, l’industrie musicale pourrait en changer les règles, histoire de sauver les apparences. Dans un monde où le succès appelle le succès, et puisqu’elle ne peut plus s’attribuer la paternité des tubes, elle va être tentée de repenser la manière dont se font les classements et de revoir ses ambitions à la baisse. Ça ne va pas régler le problème mais on verra plus tard.

En attendant, on a vu Kyle Gordon sur scène à Boston avec les Jonas Brothers. Et la chanson d’Oliver Anthony a fait l’ouverture du débat entre les candidats à la primaire républicaine.

📖 Vous avez aimé nous lire ? Pour vous abonner ou abonner un de vos proches, c’est ici

💡 Vous avez une idée de story à nous transmettre, c’est ici

👋 Une remarque, une critique, ou simplement envie de discuter, c’est ici

😢 Vous avez reçu cette newsletter car vous êtes abonné à Hupster. Si vous aimez nos stories mais préférez faire une pause, vous pouvez vous désabonner, c’est ici