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Le pickleball, savoir prendre la balle au bond

👉 Andre Agassi, Maria Sharapova, et Lebron James sont dans un bateau

🔎 We’re back ! Très content de vous retrouver aujourd’hui après une petite semaine de pause pour vous parler d’un sport qui est en train de rendre l’Amérique dingue : le pickleball.

👉 Où l’on apprend comment cette activité a fait chuter les actions des grandes compagnies d'assurance maladie américaines.

🧨 Au programme : 1 848 mots pour 7 minutes de lecture.

Enjoy ! David.

👀 Le pickleball, ou comment réussir quand on n’a rien pour y parvenir

Une raquette et une balle de Pickleball / Crédits : GettyImages

Au départ, il y a un divertissement de vacances un peu ridicule inventé par un sénateur américain dans son jardin, un jour de désœuvrement. Il a pris ce qu’il avait sous la main et en a fait une sorte de tennis mais en beaucoup plus lent sur un terrain plus petit.

Près de 60 ans plus tard, cet amusement dont on ne sait pas trop si son nom provient de celui du chien de son inventeur ou d'une course de bateau dont sa femme était friande, est devenu à la fois un loisir pratiqué par des dizaines de millions de personnes dans le monde, un sport de haut-niveau où l’on croise des noms comme Andre Agassi, Maria Sharapova côté court et Lebron James côté investissements, et enfin un spectacle sur les écrans qui vient bousculer le tennis au moment où commence l’US Open.

On va essayer de vous expliquer comment les faiblesses originelles sont devenues des forces, et la raison de ce succès. Une mode pour l’instant américaine mais qui risque de déborder partout…

Voyons ça de plus près.

Ce n’est pas un sport

Au pickleball, le service se fait toujours « à la cueillère » / Crédits : GettyImages

Le pickleball est une variante du tennis. Il se joue sur un terrain plus petit, avec des sortes de grosses raquettes de tennis de plage et une balle en plastique légère et perforée qui va moins vite. Beaucoup moins vite (c’est une des différences avec le padel). Il suffit de regarder des vidéos d’échanges quelconques sur Youtube pour trouver cela ennuyeux au premier abord.

Mais pour celles et ceux qui le pratiquent, tout cela ne présente que des avantages. Car de fait, tout le monde peut s’y mettre très rapidement, sans avoir besoin d’apprendre durant des heures. Aucune barrière à l’entrée, ce qui est rare dans le sport. Hormis la pétanque...

Ce sport est donc autant accessible aux jeunes qu’aux personnes plus âgées. Ainsi aux États-Unis, la moitié des joueurs ont 55 ans ou plus. Des gens qui ne pratiquaient pas forcément d’activités sportives avant.

Tant mieux pour eux car le pickleball semble ne pas être qu’une simple promenade de santé. Dans un de leurs nombreux articles consacrés à ce phénomène de société, le New York Times raconte que « dans l'une des rares études réalisées sur le sujet, les chercheurs ont constaté que les personnes qui jouaient au pickleball en double pendant une demi-heure avaient un rythme cardiaque 14 % plus élevé et brûlaient 36 % de calories en plus que les personnes qui marchaient à un rythme choisi par elles-mêmes pendant une demi-heure ». Une autre étude de la Western Colorado University a montré qu’il s’agissait « d’un entraînement d'intensité modérée au même titre que la randonnée ou le yoga. Les joueurs ont également constaté des améliorations significatives de leur taux de cholestérol ou de leur tension artérielle ».

Dernière donnée intéressante : alors que 50 % des gens abandonnent en général une pratique sportive six mois après avoir commencé (le fameux syndrome « salle de musculation »), les joueurs de pickleball reviennent encore et encore sur le terrain.

Seule ombre à ce tableau un peu idyllique, le jeu favorise tout un tas d’entorses, de foulures, et autres fractures. Logique vu le profil de la population. Et cela n’a rien d’anodin.

Juste avant l’été, les actions des grandes compagnies d'assurance maladie américaines se sont mises à chuter. En cause : une étude qui prévoit pour 2023 une hausse de 400 millions de dollars des dépenses de santé. Due notamment à la multiplication inattendue d’opérations de la hanche ou du genou ! Un seul fautif : le pickleball.

Ça n’arrêtera pas son essor, tant ce sport répond donc très clairement à des besoins d’activités physiques sous-estimés. Tout le monde ne se met pas au running pour faire de l’ultra-trail. Il y a la place pour une activité praticable de suite, qui tient à la fois du sport et du divertissement. Avec une fonction sociale aussi importante...

C’est juste un prétexte pour l’apéro

Deux joueuses de pickleball en plein changement de côté dans l’Arizona / Crédits : GettyImages

D’un point de vue pratique, le pickleball peut se pratiquer n’importe où à partir du moment où on peut installer un filet. On peut même caser quatre terrains de pickleball sur un seul de tennis. Comme les distances sont réduites, on se parle davantage, on échange davantage et finalement, on rigole davantage.

C’est ce que racontait un récent reportage de Society : « La taille du terrain offre une certaine proximité et les parties sont brèves ce qui laisse le temps aux joueurs de discuter et de faire connaissance ». Comme le golf, mais là encore, toutes les barrières à l’entrée ont explosé.

Même constat pour Juno DeMelo, journaliste au New York Times en testant ce jeu : « Malgré mon inexpérience, je me suis rapidement retrouvée dans un état de légèreté, ponctué de rires et de légères discussions (…) Au pickleball, la plupart des points sont gagnés sur une ligne située à un mètre cinquante du filet, de sorte qu'il est facile de bavarder entre les services. »

Il n’est donc pas rare que les parties se poursuivent au-delà des terrains et créent du lien, notamment intergénérationnel, là où il n’y en avait plus. Aux États-Unis, ce n’est pas un hasard si la pratique de ce jeu a explosé après le Covid auprès des populations les plus isolées (on retrouve les personnes les plus âgées encore).

On trouve de nombreux articles ou tribunes dans la presse américaine pour rappeler combien ce pays avait besoin de recréer du lien, du capital social. Le New Yorker s’est même demandé si le pickleball pouvait sauver l’Amérique…

La réponse est non aujourd’hui. Car la médaille a aussi un revers. En effet, la pratique du pickleball génère beaucoup de nuisances sonores et il se trouve en concurrence frontale avec les joueurs de tennis qui méprisent ce jeu et ses adeptes. Mépris de classe ? Peut-être pas, car il n’est pas si simple de mettre le joueur de pickleball dans une case…

C’est un hobby de vieux riches blancs

Terrains de pickleball dans un complexe au Texas / Crédits : GettyImages

Ce constat est juste mais il n’est pas exclusif. Si les seniors constituent l’essentiel des troupes, les études montrent que les moins de 25 ans semblent aussi séduits par ce jeu. Et nous avons un indice de son potentiel de développement au-delà de sa cible initiale : il est assez difficile de dire aux États-Unis, s’il s’agit d’un sport démocrate ou républicain. Bref, il ne répond pas à un seul stéréotype et c’est ce flou qui pourrait l’aider à le faire passer de mode à sport de masse.

En revanche, ce sport a déjà compris qu’il fallait revoir la notion de mixité. On estime que 40% des pratiquants sont des joueuses. Au sein de la toute nouvelle ligue professionnelle, la Major League Pickleball, les compétitions sont mixtes, avec des équipes composées de deux hommes et de deux femmes - un format unique dans le monde du sport professionnel dominé par les hommes. Et là, il donne une bonne leçon à tous ses concurrents qui traînent des pieds sur le terrain de l’égalité.

Ses ambassadeurs sont de vieilles gloires du tennis

Andre Agassi et Andy Roddick en plein match de pickleball lors des «Pickleball Slam» / Crédits : GettyImages

Les anciennes stars du tennis ont d’abord commencé par se moquer du pickleball. Pour Martina Navratilova, il s’agit d’un sport « paresseux ». Pour John McEnroe, il est « creepy ». Et Andre Agassi n’avait d’yeux que pour la (vraie) balle jaune.

Si la première n’a pas changé d’avis, les deux autres sont carrément devenus des emblèmes du pickleball aujourd’hui. Agassi a trouvé que finalement, le tennis devenait trop exigeant pour son corps, les années passant : « Le pickleball semble lent de l’extérieur mais cela se passe beaucoup plus vite sur le terrain, quand vous jouez. Je vais continuer de jouer parce que c’est un excellent exercice physique et que ce sport vous pousse à vous dépasser ». McEnroe lui-même se dit être un converti depuis qu’il a essayé.

Les deux joueurs étaient notamment les stars de la dernière édition «Pickleball Slam», un tournoi exhibition qui se tient deux fois par an. Peut-être que le million de dollars à gagner a joué dans cette conversion, mais à les regarder jouer, on a bien vu qu’ils y ont pris un plaisir fou. Au point de retrouver le McEnroe râleur à souhait, le sérieux en moins. Tous les deux participeront à la prochaine édition qui deviendra mixte elle aussi. On y verra donc Steffi Graf et Maria Sharapova à leurs côtés.

Cette présence enjouée de ces ambassadeurs revêt une autre importance : elle attire les diffuseurs. Le premier événement a attiré 669 000 téléspectateurs dans une fenêtre de midi sur ESPN. L’année prochaine, l'événement sera également diffusé en direct sur la chaîne, à une heure de grande écoute. Même si ça ne fait pas tout, c’est toujours plus simple quand une révolution est télévisée.

Bref, ça ne marchera jamais

Le joueur Ben Johns lors d’un match Carvana Arizona Grand Slam / Crédits : GettyImages

L’essor de ce sport vient nous rappeler qu’un succès, c’est d’abord des communautés qui le portent avant d’être du commerce. Une pratique ne peut pas s’imposer sans s’appuyer sur les personnes qui la supportent au quotidien. On avait un peu oublié ça en jugeant ce nouveau sport de manière un peu hautaine au premier abord.

C’est grâce à cette force tirée de sa communauté qu’il pourra passer de réseaux locaux à communauté internationale. Parce que pour le moment, tout ce qu’on vous a raconté concerne principalement les États-Unis. En France, on ne dénombre que quelques milliers d’adeptes et l’engouement n’a pas la même puissance où la concurrence du tennis et du padel est forte.

Il faudra aussi dépasser les simples ambassadeurs pour que les stars actuelles de ce sport deviennent des noms connus. Qui connaît Ben Johns aujourd’hui ? Et qui connaît Alcaraz ?

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