Leica en plein comeback, Dua Lipa ft Tim Cook et le problème d'OpenAI

1. Vous avez dit argentique et authentique ? Le boom des Leica M

Ugo, journaliste chez Hupster, vous a parlé cette semaine de la chute d’un géant de la photographie, Kodak. Et on se demandait, sur le ton de la blague, si l’argentique allait prendre le chemin des vinyles, et faire un remarquable « comeback ».

Et on a rigolé.

Et on n’aurait pas dû.

• • Saviez-vous combien, en 2015, la prestigieuse marque Leica avait vendu de pièces de sa série M « analogique », un des Graal des photographes ? 500. Et combien elle prévoit d’en vendre en 2023 ? 5000. Oui, 10 fois plus. J’ai fait « wow ». J’ai découvert ce chiffre dans cet article de FastCompany, où l’auteur Michael Grothaus se pose la seule question qui vaille : pourquoi x10, à un moment où il n’a jamais été aussi difficile de rater une photo, avec les outils « Best Take » et « Magic Editor » ? La réponse : la recherche d’un sens et d’une expérience.

• • Je cite Michael Grothaus : « Bien que la photographie argentique ne fasse probablement pas un retour généralisé, cette tendance suggère que les photographes professionnels pourraient préférer la photographie analogique pour affirmer leur rôle d'artiste par rapport à l'IA. La commodité de la photographie numérique est incontestable, mais la photographie argentique offre une expérience plus intime, reliant le photographe au processus de création. »

• • PS : Je peux me tromper mais il me semble que Leica avait déjà ajouté le déclic caractéristique de l’appareil iconique — celui de Henri-Cartier Bresson, Robert Capa, etc — à sa série numérique. PSS : Le mot de l’année 2023 ? « Authentique ».

2. Quand Dua Lipa arrive à faire parler Tim Cook

Imaginez : vous êtes assis confortablement dans votre salon et face à vous, deux géants – chacun dans leur domaine – tapent la discute pendant 45 minutes. C’est un petit peu ce que vous propose cette semaine la BBC sur sa chaine YouTube « BBC Sounds » avec le dernier numéro du podcast de Dua Lipa. Le bien nommé « At Your Service ». Voici trois raisons qui font de cet entretien une interview pas comme les autres.

• • Sur la forme déjà, ce n’est pas tous les jours que l’on voit le patron de l’entreprise la plus riche du monde se tortiller d’avant en arrière sur un sofa face à une des stars mondiales de la pop. Et même s’il ne le montre pas, Tim Cook n’est pas à l’aise.

• • Sur le fond surtout – et c’est surtout là que c’est intéressant – Dua Lipa arrive, là ou des journalistes tech classiques se casseraient les dents, à faire sortir Tim Cook de sa com’ habituelle. Le boss d’Apple enchaîne évidemment les phrases toutes faites avec son accent américain inimitable (son « Good Morning » est carrément devenu un meme sur les réseaux), mais se fait surprendre sur des questions liées à l’environnement. Quand Tim enjolive sa dernière « watch » dont la fabrication est 100% neutre en carbone, Dua le relance : « Le carbone ok, mais qu’en est-il des “zéro émission de gaz à effet de serre” pour fabriquer vos iPhone ». Hésitation du patron. Touché.

• • Enfin, sur le format en lui-même, la BBC s’offre un joli coup de pub en ayant deux stars pour le prix d’une dans son podcast donc deux fois plus de chance d’aller toucher une audience plus large. Le fait de se passer de journaliste est aussi une stratégie maligne. Car l’interviewé, fasciné par l’intervieweuse (Tim révèle être fan de Dua Lipa dès le début de l’entretien) est poussé dans un exercice qu’il ne maîtrise pas. Un exercice que l’on apprend pas en cours de media training. Un exercice qui pousse à la confidence, de quoi sans doute faire enrager les RP d’Apple.

3. OpenAI, un CA dans le genre compliqué

L’affaire OpenAI est un feuilleton qui n’en finit pas. Avec des rebondissements qu’on n’attendait pas forcément et pourtant essentiels. En bref, la question c’est « Où sont les femmes ? » et c’est WIRED qui la pose. On vous résume ça en trois points :

• • Après le renvoi controversé de son PDG Sam Altman puis son retour organisé par Microsoft, OpenAI a remplacé les femmes de son conseil d'administration par des hommes. Et pas n’importe lesquels, l'ancien PDG de Salesforce, Bret Taylor, et l'ancien secrétaire au Trésor des États-Unis, Larry Summers, soit des emblèmes du monde capitaliste.

• • Des femmes influentes dans le domaine, telles que Timnit Gebru (ex Google) et Sasha Luccioni, toutes les deux chercheuses en éthique en intelligence artificielle, ont été approchées mais elles ont refusé de faire partie de ce conseil d’administration en l’état. Pas question pour elles tant que le rôle de ce CA et ses intentions n’auront pas été précisées.

• • Le manque de femmes dans le domaine de l'IA est un problème depuis des années ; en 2018, WIRED estimait que seulement 12% des principaux chercheurs en apprentissage automatique étaient des femmes. En 2020, seulement 26% des postes de données et d'IA sur le marché du travail sont occupés par des femmes.

One more thing... Henry Kissinger et la grande peur des armes de guerre pilotées par IA

On l’a appris jeudi matin, Henry Kissinger est mort à l’âge vénérable de 100 ans. Vous vous demandez sans doute ce que vient faire dans une lettre qui célèbre l’inventivité et la création celui qui a incarné et façonné la diplomatie américaine pendant une grande partie de la Guerre froide.

On peut dire, d’une certaine manière, qu’il a été extrêmement inventif dans sa conception de la realpolitik : massacres des innocents et soutien aux pires dictatures sur à peu près toutes les latitudes si ces latitudes avaient à voir avec la sécurité des États-Unis, rapprochement avec la Chine, etc.

Ce qu’on sait moins, et c’est pour cela que le vieux Henry conclue cette lettre, c’est que sur la fin de sa longue carrière, il n’a eu de cesse de mettre en garde le monde contre le pouvoir destructeur potentiel de l'intelligence artificielle militaire. À défaut d’avoir une solution à apporter, Kissinger suggérait la création d'institutions pour évaluer ces effets. Et d’un dialogue entre Joe Biden et Xi Jinping qui commencerait ainsi :

« Nous avons tous deux beaucoup de sujets à traiter, mais il y a un problème qui est doit être notre préoccupation majeure, à savoir que vous et moi, de manière unique dans l'histoire, pouvons détruire le monde par nos seules décisions dans une guerre pilotée par l'IA. Il est impossible pour aucun de nos pays de remporter un avantage unilatéral. Par conséquent, nous devrions commencer par le principe numéro un selon lequel nous ne mènerons pas de guerre high-tech l'un contre l'autre. »

À lire donc, en anglais « of course », la nécro de Kissinger sur le New York Times et une tribune sur pourquoi le diplomate s’intéressait à l’IA.

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